Série “Des Vivants” sur France 2

Cette série est remarquable en ce

qu’elle montre les effets, pour les victimes, des traumatismes consécutifs , à leur prise en otage au Bataclan le 13 novembre 2015 par des terroristes et leur cheminement pour se reconstruire .

Alors , que tous les membres de leur groupe s’en sont sortis, comme par miracle , sains et saufs et que chacun à sa manière reste terriblement traumatisé: ils sont vivants.

Et la série décline ce qu’être vivant, pour eux ,veut dire , de crise en crise post traumatiques.

À travers pour la plupart d’entre eux , non sans ambivalence exacerbée, des accompagnements effectués par des psy dont ils ont pu avantageusement bénéficier . Ses séances prisent avec des professionnels qui se révèlent d‘une grande humanité y compris dans leur manière d’accompagner ces trajectoires chaotiques, typiques des personnes souffrant de syndromes post traumatiques.

Le soin pris d’eux-mêmes le plus puissant s’avère passer pour eux principalement par des liens d’amitiés . Liens célés entre eux, tacitement dès le début de la prise d’otage . Et puis ensuite liens qu’ils tisseront en se retrouvant régulièrement pour se soutenir , revivre parfois des séquences de ce cauchemar . Se remémorer et verbaliser certains passages à la suite de ce cauchemar partagé à jamais gravé dans leur mémoire traumatique .

Progressivement , consentir ou pas à ressentir la terreur , la souffrance , liées à la conscientisation du revécu des scènes traumatiques qu‘ils ont pu traverser – au moment des faits- sans que jamais aucun d’eux ne cède aux provocations mortifères des terroristes .

Ce qui aurait pu faire basculer leur communauté de destin dans l’irrémédiable tragédie .

Progressivement, nous devenons témoins de ce formidable hommage à la vie et qui est rendu à la vie par ceux qui ont vécu l’extrême terreur .

Regarder cette série c’est se confronter à la difficulté de survivre et de vivre psychiquement et relationnellement à cette épreuve terrible . Et aussi à des phénomènes qui s‘ensuivent :

Revécus traumatiques , culpabilité des survivants , culpabilités de s’être replié sur soi pour survivre , irritabilité, crises de larmes , de rage ou de colère , terreurs nocturnes , clashs avec les proches etc .

Paradoxe de la violence terroriste qui fini par trouver sa limite grâce à l’assaut inévitablement brutal et risqué de la BRI , et qui réussit l’exploit de les sauver d’une mort annoncée.

Sauvetage qui génère dans l’après coup une gratitude sans borne envers ces forces de l’ordre bien en place .

Tous ces revécus et vécus , finissent par trouver , par rencontrer , apres s’être heurtés à la difficile à vivre , incompréhension de proches , une écoute , un regard , une empathie humanisante et rehumanisante et salvatrice avec quelqu’un , un autre humain qui se trouve être au rdv.

Plus tard , le déroulement du procès ,

participe au processus de réparation où le respect de la parole de chacun en public nous rappelle que la justice n’a pas partout sur la planète cette place nécessaire et complémentaire au parcours de soin psy et au support précieux du groupe amical .

Cette série est un hymne à la vie, à la survivance et à la vivance de l’humain qui montre combien la destructivité est absurde et vaine au regard de la poussée du vivant …

Résolument le scénariste choisit de mettre en lumière des vivants , sans ignorer que d’autres , dans la salle d’à coté , eux sont morts sous les balles absurdes des terroristes eux dont les existences restent aussi gravées dans notre mémoire collective.

La manière de filmer du réalisateur porte un regard jamais voyeuriste , sur des acteurs qui jouent le rôle de personnes réelles ayant vécues en plein ce drame dont personne n’est sorti indemne psychiquement …

hormis quelques scènes inévitablement effractantes qui rejouent des moments traumatiques , ce regard enveloppant d’humanité , nous invite à commémorer avec dignité cet événement inscrit dans notre mémoire collective. La qualité de cette série , nous montre combien dans notre monde contemporain tourmenté, certains réalisateurs savent mettre en scène de multiples vrais visages de notre humanité commune : la force de la vulnérabilité, le choix de vivre encore et malgré toutes les épreuves, la dimension de l’irremplaçabilité de chaque cheminement de reconstruction après une épreuve singulière .

Oui , je me souviens 10 ans en arrière des jours qui ont suivi cette tuerie , quand tout à coup mon propre cabinet de psy dans le 10 eme , s’est fait la chambre d’écho de l’onde de choc bouleversante ,vécue par différents patients . Et de comment pas à pas chacun a pu se reconstruire victimes, proches : parents , conjoints , amis etc.

Pas de doute que pour eux aussi , voir cette série leur ait fait , ou leur fera chaud au coeur .

Jean-Marc Hélary