Journées d’étude sur la responsabilité comme éthique

du praticien en psychothérapie relationnelle

proposée par la commission de déontologie du SNPPSY organisée à Paris et à Montpellier avec le concours de l’antenne Occitanie en MARS 2019

principales re-transcriptions de l’intervention de Jean-Marc Hélary sur :

La responsabilité

qui est le thème sur lequel notre commission de déontologie vous propose de réfléchir aujourd’hui et autour duquel nous vous proposons de partager aujourd’hui.

Nous prenons la responsabilité de venir à votre rencontre et de faire vivre ces principes qui sous-tendent notre code. La matière qui nous occupe nécessite parfois le secret. Et nous pensons aussi qu’il est important que nous fassions vivre ensemble notre relation à notre code et à notre éthique qui la sous-tend

Le travail de fond de notre commission est la réflexion éthique.

La responsabilité est l’un des 4 principes éthiques de notre code de déontologie, les trois autres étant : le respect de la personne et de sa subjectivité, L’intégrité des soins, la compétence professionnelle.

La responsabilité est un principe transversal à tous les autres.

Une étymologie de la responsabilité est le mot latin « respondere » qui veut dire répondre, répondre de ses actes et de ses mises en actes – A distinguer du passage à l’acte qui court-circuite l’acte de symbolisation et notamment l’acte de parole.

La mise en acte passe par exemple par la mise en jeu du corps dans des modalités codifiées, dans le but de passer par le corps pour que le sujet se relie à soi.

Et, pour répondre, il s’agit d’écouter et d’écouter pour pouvoir entendre, sentir, se figure.

Répondre ici c’est d’abord questionner, un questionnement qui permet d’avancer pas à pas.

La responsabilité en tant que principe éthique est la responsabilité de se questionner.

Pour nous psychopraticiens, notre responsabilité consiste d’abord à se mette en chemin et à commencer par soi- même, par sa propre thérapie, se mettre en question, cheminer de questionnement en questionnement au plus près de son vécu, de son histoire, de ses problématiques et de ses capacités créatives.

Il n’y pas de responsable sans questionnable.

Puis, quand c’est le cas, nous sommes responsables de nous questionner et de questionner notre désir de nous former pour accompagner à notre tour d’autres personnes

Puis, plus tard, de nous questionner dans le creuset de notre écoute de l’autre et en parlant de nos accompagnements en supervision.

En fait il nous est demandé de prendre beaucoup de responsabilités différentes et qui se situent sur des plans différents.

Il est significatif de noter que la valeur de la compétence à rentrer en relation soignante n’est pas aujourd’hui reconnue et que la psychothérapie relationnelle n’est pas en tant que telle reconnue non plus .

Si nous faisons ce que nous disons, si nous respectons ce à quoi nous nous engageons, à savoir nous mettre en chemin et continuer tout au long du chemin à prendre nos responsabilités, il est clair que nous répondons d’abord devant nous-mêmes, ensuite pour le processus des personnes que nous accompagnons, et devant nos pairs de façon responsable.

Et cela se fait en réalité beaucoup plus profondément qu’en obtenant un diplôme, quand bien même les diplômes en tant qu’ils sanctionnent une formation ont leur importance dans l’ensemble de la formation du psychopraticien.

La responsabilité qui consiste à travailler à son propre processus d’individuation a cette irremplaçabilité dont parle la philosophe psychanalyste Cynthia Fleury dans un livre éponyme.

Cette forme de responsabilité vis-à-vis de soi-même, d’advenir à soi-même qui incombe à soi, elle ne peut pas être mesurée par un diplôme. Il n’y a pas de diplôme d’advenant à soi-même, pas de diplôme de processus de subjectivation ni de processus d’individuation.

Et cette valeur de la responsabilité qu’un sujet prend vis à vis de son propre processus d’individuation nous en faisons la première de nos valeurs.

Puis, dès lors que nous nous impliquons dans ce groupe humain professionnel qu’est notre organisation, nous pouvons prendre notre responsabilité en participant chacun à notre manière à des activités de notre syndicat.

Nous avons aussi une responsabilité devant nos pairs car si nous ne respectons pas ces principes éthiques, si nous ne respectons pas notre code, non seulement nous nous mettons en difficulté, non seulement nous mettons en difficulté l’image de notre profession, mais, en plus, nous engageons avec nous peu ou prou nos pairs.

C’est pourquoi nous proposons en tant que commission d’ajouter une nouvelle obligation à tous nos membres, en plus de celle de s’engager sur l’honneur à respecter le code de déontologie de notre syndicat : nous souhaitons qu’ils s’engagent à venir questionner leur pratique en cas de convocation par la commission suite à une requête ou à un signalement.

Et notamment quand toutes les dispositions qui figurent dans nos 5 critères et qui œuvrent à nous maintenir dans une situation de responsabilité s’avèrent ne pas avoir été opérantes dans tel ou tel cas …

Pour réfléchir à cette question de la responsabilité, il est utile de faire régulièrement un détour par la philosophie.

La philosophie nous concerne avec cette limite qui est qu’elle pousse très loin la capacité de l’être humain à penser avec son intellect et sa conscience, là où en tant que psychopraticiens nous devons aussi prendre en compte l’inconscient. Et nous en faisons l’expérience d’abord pour nous-mêmes. Et nous poussons l’exercice de la responsabilité jusqu’à être responsables de notre inconscient d’où cette nécessité de se laisser interpeler par les phénomènes qui ressortissent de l’inconscient et du dialogue possible entre conscient et inconscient.

Un certains nombre de philosophes ont de leur côté réfléchi à la question de la responsabilité dès l’antiquité.

Parmi les philosophes qui nous éclairent, prenons aujourd’hui Hans Jonas et Paul RICOEUR.

Hans Jonas a écrit un livre qui nous concerne dans notre propos et qui s’intitule : « le principe responsabilité ». Il y indique que la responsabilité est une puissance qui se tourne vers une fragilité, une vulnérabilité. Je suis responsable d’une fragilité, d’une vulnérabilité. C’est cette fragilité qui m’oblige. Une puissance est obligée par une fragilité sur fond de fragilité et de vulnérabilité commune. La vie est ce qui vaut en soi. La vie contient sa valeur en soi par le fait même qu’elle est. La vie vaut pour ce qu’elle est.

Pour Hans Jonas le modèle de la responsabilité est la relation parent /enfant.

C’est le fait de devenir parent qui me rend responsable, obligé que je suis, par la vulnérabilité de l’enfant.

Cette vision de la responsabilité rejoint notre fonction et notre responsabilité d’être responsable d’un cadre pour l’autre, pour que l’autre puisse s’y inscrire et l’utiliser pour advenir à soi.

Notre responsabilité dans notre domaine consiste aussi en ce que nous représentons symboliquement pour les personnes que nous accompagnons à certains moments un support pour que se redéploient pour elles dans leur « théâtre du je » et dans « l’espace du jeu » sur la scène thérapeutique un certain nombre de figures parentales et d’interactions avec ces figures. Que cela soient des figures apparues pour cette personne comme parcellaires, carencées, idéalisées, bonnes ou mauvaises. Sur la scène de la psychothérapie va pouvoir se jouer et se rejouer ce psychodrame familial personnel. Et ce dans sa singularité et sa complexité etc.

Nous sommes responsables de jouer et de faire de la place à la dimension poétique la peau éthique de la poétique. De donner sa place à la figuration de ce qui n’a pas encore pu se figurer dans une relation. Miroir ‘’d’une mêmeté d’être’’ et en même temps d’une différence.

Le recours ici aux poètes est salvateur. Ainsi Jean-Pierre Siméon poète nous rappelle que ‘’ la poésie sauvera le monde’’ dans un ouvrage du même nom.

Et en lisant certains passages et en remplaçant le mot poésie par psychothérapie, j’ai pu expérimenter que cela fonctionnait souvent plutôt bien… Dès lors où nous les articulons ces propos avec le respect de nos principes éthiques.

Et c’est un pari qu’à partir de ce redéploiement le psychopraticien puisse participer à ce possible travail de construction/reconstruction que le sujet vient faire avec le psychopraticien.

Nous sommes responsables de jouer et d’œuvrer à ce qu’il y ait du jeu pour qu’advienne du ‘’je’’ nouveau dans des interactions je/tu qui se manifestent.

Ces fonctions parentales symboliques sont essentielles. Nous ne choisissons pas ce que vit et revit celui où celle qui vient nous voir.

La répétition de situations s’invite comme des visiteurs que l’on n’attend pas et qui débarquent.

Et nous nous retrouvons parfois projetés dans une temporalité d’un autre temps : celui du bébé, du petit enfant, de l’enfant, de l’adolescent etc. Et nous sommes responsables de l’accueillir, de construire les conditions pour que le sujet lui-même puisse se l’approprier, s’en saisir.

En effet le sujet a à faire avec des forces et des instances en lui qui peuvent ne pas prendre soin de ces résurgences /émergences.

Et pour qu’il devienne responsable de son propre soin pris de lui-même, il est important que l’autre en prenne soin pour lui d’abord…

D’autres relations se joueront sur la scène thérapeutique qu’elles soient d’ordre fraternel, sororal ou d’une co-création entre deux sujets, le psychopraticien étant au service du processus de soin du sujet. Et cela sera quelle que soit la situation de répétition d’une situation du passé non encore intégrée à la pleine conscience et qui s’explore dans l’ici et maintenant des rencontres ; il importe que le psychopraticien sache que ces répétitions se vivent en présence des deux instances en présence, les 2 sujets adultes focalisés sur le processus du patient. Ce faisant, le psychopraticien a la responsabilité de se souvenir de la part de responsabilité de l’autre et de la lui rappeler quand c’est nécessaire.

Venons en maintenant à Paul RICOEUR qui reprend cette idée émise par Hans Jonas qu’être responsable, c’est d’abord être responsable de la fragilité et de la vulnérabilité de l’autre…

Dans une conférence sur la philosophie morale il définit un axe vertical et un axe horizontal.

Sur l’axe vertical il place en bas l’éthique qu’il définit comme le bien ou le fait d’œuvrer à la vie bonne.

Je dirais que, dans cette perspective, bien vivre passe par reconnaître l’autre car, si je le refuse, je vais m’exposer à beaucoup de difficultés surajoutées à ce qui relève de la difficulté de vivre.

Cette éthique est représentée chez les philosophes de l’antiquité par les vertus, dont un philosophe espagnol Roberto Savater nous rappelle qu’une étymologie – la racine « vir » – définissait un guerrier capable de tenir en respect 10 adversaires.

La responsabilité est une vertu à exercer et à laquelle nous sommes tenus de donner consistance.

Au milieu Paul RICOEUR place la morale qu’il définit comme les obligations, les normes, les devoirs, les interdictions. C’est en quelque sorte dans cette catégorie que se placerait notre code.

Au-dessus, il place la sagesse pratique pour ce qui en est de l’examen des situations difficiles.

Nous, nous parlons en la matière au sein de notre commission de réflexions éthique.

Ensuite P. Ricœur définit l’axe horizontal par une dimension ternaire partant à gauche du ‘’pôle je’, le pôle du désir d’un sujet, ensuite ce ‘’je’’ rencontre l’autre proche : ‘’le tu ‘’, et l’autre lointain : le ‘’il’’. L’interlocuteur visible qui est proche et l’interlocuteur parfois invisible, le tiers, l’institution, souvent située en position éloignée.

Et il résume sa philosophie morale d’une manière remarquablement précise et synthétique que je vous livre : «  La sagesse pratique nous reconduit par-delà le devoir, l’obligation, la norme, et l’interdiction au socle de la vie éthique, c’est-à-dire l’estime de soi dans la sollicitude de l’amitié et de l’amour et le désir de vivre dans des institutions justes Ici et maintenant ».