Le 8 avril 2022 un dispositif, au nom original (!) , « Mon Psy », a été généralisé sur tout le territoire. Un mouvement de contestation a mobilisé la profession et demande aux psychologue de boycotter ce dispositif. Si on milite ( en même temps) pour un remboursement des soins psychiques quelques embûches sont à repérer dans ce refus critique ainsi que dans l’argumentation déployée ..

Article issu du Club de Mediapart : https://blogs.mediapart.fr/michel-cazeneuve/blog/300922/mesure-et-demesure-du-conventionnement-des-psychologues-par-la-securite-sociale

MESURES ET DÉMESURE DU CONVENTIONNEMENT DES PSYCHOLOGUES

LES DISPOSITIFS

« Prise en charge par l’assurance maladie des thérapies non médicamenteuses »

Un dispositif expérimental de gratuité des soins de psychologie et de psychothérapie sur prescription médicale a été mis en place en 2018 dans 4 départements : les Bouches du Rhône, la Haute-Garonne, le Morbihan et les Landes. Les psychologues et/ou psychothérapeutes devaient être conventionnés par leur Agence Régionale de Santé. (ARS*)

Ce dispositif en cours jusqu ‘au 31 mars 2022 sur ces départements proposait la « gratuité » des soins psychologiques ou psychothérapeutiques sur prescription médicale.

Le dispositif après sa mise en place en 2018 a fait l’objet de 2 modifications importantes, la 1ère le 4 janvier 2019 avec la mise en place d’un « service médical », chargé de vérifier les critères d’inclusion des patients dans le dispositif et délivrant « une attestation de prise en charge », la 2ème, à compter du 1er mai 2019, pour la poursuite des soins le médecin traitant devait recueillir un avis formel d’un médecin psychiatre.

Dans ce dispositif il y avait au plus 1+10+10 séances soit 22 séances.

Le 4 février 2021 l’Assurance Maladie a adressé un courrier aux psychologues et psychothérapeutes participant au dispositif pour annoncer la mise en place d’une évaluation diligentée par le bureau d’étude CEMKA.

Extraits du courrier du 21 septembre 2020 puis du 4 février 2021 adressé aux praticiens du dispositif :

« Avant de décider ou non de généraliser ce dispositif ou de le modifier, l’Assurance Maladie met en place une évaluation médico-économique, qui va être réalisée par un bureau d’études et un comité scientifique indépendants. »

Le 8 avril 2022 un dispositif, au nom évocateur et original, « Mon Psy », a été généralisé sur tout le territoire.

Ce dispositif reprend les caractéristiques du précédent avec quelques modifications notoires :

– Suppression du « service médical » des CPAM* délivrant « l’attestation de prise en charge ».

– Réduction du nombre de séances à 8 .

– Nouvelle tarification (de 32/22 euros à 40/30 euros) et procédure de remboursement pour les patients.

Dans le dispositif expérimental, le praticien facturait directement aux CPAM*, dans le nouveau les patients règlent les séances et le praticien délivre des feuilles de soins, à l’exception des patients exonérés du ticket modérateur ( AME*, CSS*, AT*, ALD* …)

Le remboursement est assuré à 60%par les CPAM* et 40% par les mutuelles.

Un mouvement de contestation important a mobilisé la profession via les syndicats et les réseaux sociaux ( sites spécialisés ). Ce mouvement demande aux psychologue de boycotter ce dispositif et de ne pas se conventionner.

Une journée de « mobilisation unitaire et nationale des psychologues »  a été organisée le 29 septembre 2022, à l’initiative de plus d’une dizaine de syndicats dont le SNP* et d’organisations professionnelles sur la base d’une « plateforme revendicative ».

Ce sont certaines de ces revendications que je voudrais mettre à l’épreuve d’une réflexion politique et stratégique.

Pour d’autres, notamment celles qui concernent le statut, la formation, la rémunération et la situation du service public ou habilité du soin psychique, je les partage pour tout ou partie.

Il est tout à fait pertinent d’analyser les objectifs ( politiques) explicites et implicites de ce dispositif, d’en faire une critique et de militer pour son boycott.

Toutefois si on milite ( en même temps) pour un remboursement des soins psychiques quelques embûches sont à repérer dans ce refus critique ainsi que dans l’argumentation déployée .

Refuser ce dispositif et le remboursement des soins est pertinent et cette position a été celle des « associations de psychanalystes» sur la question du remboursement.

La psychanalyse « remboursée » :

Feu la Revue du Collège des Psychanalystes :

«  Un patient est remboursé , psychanalyse et argent » : Juillet 1986.

« L’argent à nouveau » : Juillet 1988.

En décembre 1989, Serge Leclaire et 4 autres psychanalystes publiaient un livret :«  Pour une instance ordinale des psychanalystes ». L’objectif de cette instance était précisé : « Elle aurait à notamment assurer et à garantir la non ingérence de l’État et de l’Administration ( sécurité sociale entre autres ) dans une relation intime et secrète par contrat. » ( & III 1 p7). (1)

Le projet ( Document proposant la création d’une instance ordinale des psychanalyste adressé à tous les psychanalystes exerçant en France) fut très contesté…et abandonné.

On retrouve dans tous les textes actuels les mêmes malentendus et contradictions tenaces qui font l’économie par méconnaissance, complaisance ou paresse intellectuelle du politique, considérant le soin dispensé comme un objet privé qu’il faudrait protéger des tentatives d’infiltration de l’administration, du médical, de l’idéologique et de l’économique  … mais la proposition de Serge Leclaire était cohérente, il s’agissait : «  d’ assurer et garantir la non ingérence de l’État et de l’Administration ( sécurité sociale entre autres ) dans une relation intime et secrète par contrat », c’est à dire pas de remboursement de séances par la  Sécurité Sociale !

C’est cette contradiction et le le fil des arguments avancés par ce mouvement de « boycott » du dispositif que je vais suivre en relevant les incohérences et contradictions les plus fréquentes, puisqu’il revendique, ce mouvement, le remboursement des séances par la Sécurité Sociale et les mutuelles.

2 documents seront cités :

La plateforme revendicative initiée par le SNP*(2)

La pétition adressée au président Macron et son ministre des solidarités Véran, pétition antérieure au dispositif actuel et qui selon les informations de Change.org recueilli 12704 signatures.(3)

Plate forme revendicative du SNP* et union d’organisations : (2)

« Le SNP* acteur dès le départ de cette union des organisations

– Refuse les interventions à bas coût, avec des méthodes imposées, dans des délais inadaptés, que propose le dispositif »MonPsy », dispositif leurre, qui ne garantit pas la qualité de l’intervention psychologique, ne répond pas au mal être et souffrances de la population, ne couvre pas les besoins.

– Refuse une psychologie d’état qui exploite les psychologues libéraux et nie leur autonomie. »

La plateforme revendicative décline 12 revendications.

Je ne reprendrai que celles qui concerneront mon propos et mon argumentation, d’autres sont tout à fait cohérentes, l’ensemble étant toutefois très hétéroclite .

« 4- L’arrêt de tout encadrement hiérarchique contraire au code déontologique et aux statuts et missions des psychologues.

5- Le refus de toute subordination médicale.

6- Le refus de l’organisation de la profession et la création d’un ordre.

8- L’augmentation des postes de psychologues dans toutes les structures de service public et dans tous les secteur relevant du social, médico-social et sanitaire.

9- Le refus collectif des dispositifs prévoyant l’intervention des psychologues dans des conditions imposées et avec une rémunération dérisoire. »

La pétition adressée à l’exécutif : (3)

« Ne pas pouvoir voir librement un psychologue quand vous le souhaitez. Devoir passer par votre médecin traitant, qui aura toute connaissance de vos souffrances les plus intimes car le psychologue devra lui en rendre compte …

Une orientation du médecin est tout à fait compatible avec notre exercice, c’est une pratique courante. Sa prescription, en revanche, nous limite, et limite ainsi notre efficacité auprès de vous, patients. 

Par ailleurs, il est essentiel de continuer de permettre aux patients de consulter un psychologue en toute liberté ET en toute confidentialité, sans avoir préalablement besoin de passer par le médecin traitant, ni voir ses propos et sa prise en charge consignés dans un rapport destiné au médecin prescripteur, tel qu’il est actuellement exigé dans les expérimentations. .. 

 Une base de remboursement AVEC dépassement d’honoraire autorisé semble la meilleure solution à ce jour, pour les patients qui auront un accès facilité au soin psychique, et pour les praticiens qui pourront survivre économiquement…

Le psychologue est expert dans son domaine. Il est le seul professionnel à consacrer au minimum 5 années d’études supérieures sur le sujet spécifique du psychisme. C’est donc lui qui est le plus à même d’évaluer et de choisir ses méthodes (comme indiqué dans le code de déontologie des psychologues). » (3)

PRÉALABLES 

Ce premier temps préalable d’analyse de ce dispositif me paraît indispensable pour éviter de le considérer comme nouveau, novateur, pervers, ou quoi que ce soit d’autre et s’égarer dans des indignations par trop auto centrées.

Les politiques de santé mentale n’ont jamais produit des objets en l « lévitation sociale » (4).

Bien évidemment tout projet de soin se fonde explicitement ou implicitement sur un projet de rapport à l’autre et au monde.

Penser la «  clinique » comme un objet autonome porteur de ses propres valeurs, hors idéologie, à préserver de toute ingérence idéologique et politique est un non-sens, c’est à dire un évitement de la question du sens.

La politique de santé mentale est une politique.

Le soin psy ( psychologique, psychothérapique, psychanalytique, psychiatrique….) que ce soit en pratique libérale ou institutionnelle n’a jamais été un produit « libre » !

Il ne faut bien sûr pas déplorer que la politique de santé mentale soit une politique, mais il faut faire l’effort d’en repérer les logiques spécifiques et leurs contradictions.

Ces pratiques et leurs références théoriques sont traversées de surdéterminations socio économiques, de normes et de valeurs qui en font des objets historiques.

Il n’y a pas très longtemps on suspendait les femmes hystériques par les pieds pour faire redescendre leur utérus source de tous les maux.

On prescrit des amphétamines ( Concerta ou Ritaline) pour traiter les enfants avec TDAH*.

Dans les 2 cas il est évident que les « troubles », particulièrement les troubles à l’ordre (public et privé), cessent.

La clinique est alors un enjeu politique et militant à la fois dans l’organisation institutionnelle du soin et dans la pratique individuelle du soin.

Que ces pratiques et leurs références ( de la psychanalyse aux Thérapie Neurocognitives et Comportementales) soient pour tout ou partie, différentes, divergentes ou contradictoires importe peu dans le cadre de cette analyse ou c’est d’une fonction politique qu’il s’agit , d’un effet de structure.

La diversité des pratiques, leur hétérogénéité ont aussi une fonction politique, celle de promouvoir un prétendu libre choix .

Cette fonctionnalité et cette fonction politique, s’inscrivent en cohérence avec un mode et des rapports de production dominants, pour ce qui nous concerne, c’est le capitalisme dans sa version néo libérale et sa prévalence financière. ( cf le récent « scandale » des EHPAD Orpea… et autres, les condamnations pénales des lobbies pharmaceutiques, scandale du médiator etc).

C’est tout à fait indispensable de savoir quels en sont les logiques, enjeux, ce qu’on peut y faire ou pas et comment.

De ces effets là, les pratiques « libérales » ne sont bien sûr pas à l’abri, ou pour le dire autrement, elles sont aussi traversées par les normes et valeurs dominantes, parfois les transportent ou les transmettent, souvent à leur insu, parfois les contestent plus ou moins efficacement.

Ces objets de soins ( publics et privés) sont aussi des objets de reproduction et participent ( certains pour tout et beaucoup pour partie) au maintien d’ un certain type de rapports sociaux et d’un mode de production, de normes et de valeurs dominants … C’est bien le moins qu’ils puissent faire !

Cette fonction de reproduction est bien sûr à l’œuvre dans les formations psychologisantes et la pratique managériale.

L’ « Happy Chief Officer » en fut une terrible caricature.

La clinique est une pratique politique !

Il ne faut pas le déplorer, mais le savoir, et ce savoir nécessite des outils de déconstruction de ces objets.

Ce dispositif s’inscrit dans une logique curative de l’assurance maladie, c’est-à-dire dans une logique constante de négliger la prévention et la santé au profit d’un marché de la maladie.

Il s’intègre dans une politique de soin et de santé mentale à l’œuvre depuis qu’elle est réglementée.

Il s’inscrit dans la lignée et la logique de tous les autres et il sera très probablement mis en concurrence avec ceux ci à l’aune des coûts administrés.

S’il est plus rentable ou productif que les autres ( par ex les CMPP*), il prendra « une part du marché » (ce qui a de fortes chances de se produire).

Ce nouveau dispositif « Mon Psy » est intégré donc dans une politique publique de santé mentale, financée par des deniers publics.

Elle est décidée et mise en œuvre par un exécutif, au nom de choix politiques qui sont clairement orientés vers un modèle de société néo libérale ou les valeurs de compétitivité, de productivité, de profit et de marché sont cardinales et ou percole un type de rapport au monde et à l’autre singulier.

Ces politiques produisent à la fois un service de soin mais aussi des normes et des valeurs, ce sont à la fois comme le précisait Althusser (5) des Unités de Production et de Reproduction. Ce sont des Appareils Idéologiques d’État ( AIE)…qui soignent, comme d’autres éduquent, forment, jugent ou punissent…

Le dispositif « Mon psy » s’inscrit dans cette logique et ces enjeux…

Un autre mode de production et de rapport de production ne changerait rien à cette intrication structurelle, mais produirait d’autres normes et d’autres valeurs dominantes !

Il se pourrait que ce soit souhaitable !

Tout ceci ne signifie absolument pas qu’il s’agisse là d’un déterminisme agitant les individus et les appareils d’état comme des automates. Il s’agit d’effet de structures qu’il vaut mieux avoir déconstruit pour ne pas trop être agité et manipulé à l’insu de son plein gré.

C’est là une condition nécessaire pour pouvoir critiquer, réfuter, combattre, utiliser ou subvertir un dispositif.

3 LA PRESCRIPTION

« – Le refus de toute subordination au médical. » ( 2)

« Une orientation du médecin est tout à fait compatible avec notre exercice, C’est une pratique courante. Sa prescription, en revanche, nous limite, et limite ainsi notre efficacité auprès de vous, patients. » ( 3 )

Les psychologues ne sauraient donc exercer sur PRESCRIPTION MÉDICALE, ce qui est considéré comme une inféodation au POUVOIR MÉDICAL, ce qu’aurait toujours combattu la discipline.Les psychologues ne sont pas des « paramédicaux », ce qui est très souvent entendu comme une péjoration de leur pratique. Ceci a d’ailleurs fait réagir nombre de paramédicaux qui ont peu apprécié, à juste titre, ces considérations des psychologues refusant «  d’être réduit à des paramédicaux ».

Les politiques de santé sont des choix politiques et donc financiers proposés et votés par le parlement chaque automne. Le PLFSS* voté devient la LFSS* dont l’ONDAM* donne les objectifs et la répartition des enveloppes.

En 2020, 528 milliards de recettes, 558 milliards de dépenses dont 54 % pour la branche maladie, dont 43 % de soins de ville comprenant les honoraires des professionnels de santé libéraux ( avec les prestations en espèces, les dépenses ambulatoires de médicaments et de dispositifs médicaux, les transports sanitaires ) . ( Direction de la Sécurité Sociale) (6)

L’expérimentation dans la Haute-Garonne avait dès le 1er trimestre épuisé les crédits alloués pour l’année, ce qui a été aussi probablement le cas dans les autres départements et ce qui justifie pour partie la restriction et la régulation des flux par les mesures du 4 mars et du 1er mai 2022 ( voir ci-dessus).

La santé a un coût et celui là n’avait pas été correctement évalué  .

Ce qui importe évidemment, dans les choix de politique de santé, c’est aussi la maîtrise des coûts : c’est bien le moins qu’on puisse attendre de nos gestionnaires.

La régulation de ces coûts se fait par les définitions et la limitation des budgets ( Hôpitaux, ESSMS*…) par les autorités de tutelle ou de tarification et par la régulation des conventionnements des praticiens ( fixation des honoraires des médecins conventionnés secteur 1) médecins prescripteurs des praticiens para médicaux (infirmiers, kiné, orthophonistes…) et donc des psychologues conventionnés.

La prescription relaie plus ou moins bien une exigence de contrôle du « service rendu » du psychologue et de la « maîtrise des coûts » dans le cadre réglementé de parcours de soin dont le médecin traitant est l’ « ordonnateur ».

On a vu dans le dispositif expérimental comment « le service médical » avec « l’attestation de prise en charge » et l’obligation d’un avis psychiatrique avaient considérablement réduit le flux des prescriptions médicales.

L’argument s’opposant à la prescription médicale équivaut ainsi à vouloir s’affranchir du « contrôle qualité »et de la « maîtrise des coûts » d’une prestation remboursée par la sécurité sociale !

Il est évident que les pouvoirs publics à court terme vont réglementer la profession et bien évidemment imposer un cursus complémentaire médical (filières médicales et/ou hospitalo universitaires) obligatoire pour un conventionnement.

Il est évident que la profession de psychologue souffre d’un important discrédit (dont elle est pour partie responsable notamment par son hétérogénéité) et que des « garanties » devront être données pour répondre à une logique médico centrée qui est évidemment dominante dans les politiques de Santé Publique.

À terme aussi les pouvoirs publics délégueront à une instance la « gestion » de la profession et notamment le « contrôle de qualité » et son corollaire, le contrôle disciplinaire, à l’instar de l’Ordre de Médecins, Pharmaciens , Infirmiers …

La prescription médicale  du dispositif expérimental est devenue « lettre d’adressage » dans le nouveau dispositif, ce qui m’apparaît plus comme un camouflet et un camouflage qu’une conquête syndicale et collective.

4 LE LIBRE CHOIX

« Ne pas pouvoir voir librement un psychologue quand vous le souhaitez. Devoir passer par votre médecin traitant, qui aura toute connaissance de vos souffrances les plus intimes car le psychologue devra lui en rendre compte ».(3)

… 

Par ailleurs, il est essentiel de continuer de permettre aux patients de consulter un psychologue en toute liberté ET en toute confidentialité, sans avoir préalablement besoin de passer par le médecin traitant, ni voir ses propos et sa prise en charge consignés dans un rapport destiné au médecin prescripteur, tel qu’il est actuellement exigé dans les expérimentations. » (3)

L’ argument souvent évoqué est que le psychologue, « sous prescription médicale » ne pourrait plus exercer « librement » sa pratique et que « le libre choix » du praticien serait bafoué.

Certains donc décrivent une prescription injonctive attentatoire à la liberté, pour le patient de choisir son praticien, et pour le praticien d’orienter sa pratique.

Le libre choix du patient ?

Bien sûr le patient ne peut pas choisir un psychologue non conventionné s’il veut bénéficier du remboursement CPAM*, tout comme il ne choisira pas un médecin spécialiste secteur 3 non conventionné ou secteur 2 avec dépassement d’honoraires s’il n’a pas les moyens financiers de ce choix.

S’il s’adresse à un service de soin public ou habilité ( CMP* ou CMPP* par exemple) il ne pourra pas choisir les praticiens qui le recevront.

Si comme le revendique ce mouvement la «  liberté de choix » du patient est la garantie de la « qualité du soin », il y a une totale méconnaissance des dispositifs de soin et de ce qu’est concrètement cette « liberté de choix »… qui du reste est une assertion très, très problématique.

La plupart des médecins avec qui je travaille et qui « prescrivent », m’adressent leurs patients, c’est à dire qu’ils prescrivent à mon adresse. Pour le coup c’est un véritable « adressage »… à mon adresse.

Fi de la liberté de choix des patients ?

À la liberté de choix se substitue une autre problématique plus intéressante à l’œuvre dans cet « ’adressage », et qui n’est pas moins complexe : le transfert de transfert.

J’ai pu constater et je l’ai écrit (cf blogs.mediapart ) que cette prescription pouvait

être le «  vecteur » d’une demande d’aide et que cette demande se soutenait de cette prescription. (7)

Non seulement la prescription n’empêchait pas mon travail, mais elle le permettait et ceci a permis des relations de travail avec les médecins, relations que je n’avais pas auparavant et qui ont permis aussi d’autres pratiques.

J’avais déjà présenté une situation ( lors de journées universitaires à Toulouse) qui me semblait montrer qu’il y avait des situations ou cette prescription non seulement n’empêchait pas le travail «  clinique » mais le permettait. ( 7 )

Le libre choix du praticien ?

« Le psychologue est expert dans son domaine. Il est le seul professionnel à consacrer au minimum 5 années d’études supérieures sur le sujet spécifique du psychisme. C’est donc lui qui est le plus à même d’évaluer et de choisir ses méthodes (comme indiqué dans le code de déontologie des psychologues). » ( 3)

Soit !

Le psychologue est expert dans son domaine, mais quel est son domaine ?

La question nous renvoie à l’hétérogénéité des expertises et des experts.

Dans les annexes de la convention signée avec l’ARS dans le dispositif expérimental, figure un encart ou le praticien pouvait ( devait ?) préciser sa pratique en cochant les cases ad hoc :

1- TCC*

2- Psychothérapie psychodynamique ou d’inspiration psychanalytique

3- Thérapie familiale systémique

4- Psychothérapie interpersonnelle

Difficile de s’y repérer !

Il semble néanmoins qu’il y ait de la place !

Mais difficile aussi d’y voir une prescription de telle ou telle thérapie, même si l’on sait que certaines sont décriées voire discréditées ( cf cahier des charges des CMPP* de Nouvelle Aquitaine, études de l’INSERM*…etc)… et qu’il faut être très vigilant !

Je n’ai bien sûr reçu aucune prescription injonctive de la trentaine de médecins avec qui je travaille, et pour ceux qui connaissait le dispositif et ma pratique, il s’agissait plutôt de formuler une demande à partir de leurs difficultés ou limites professionnelles, tout en respectant une prescription injonctive, elle, de la CPAM *!

Une exception notable toutefois :

Un compte rendu du DSPP* ( Dispositif de Soins Partagés en Psychiatrie) sollicité par le médecin traitant pour la mise en place de séances dites de Psychothérapie Structurée ( PSS) de feu le dispositif expérimental.

Le psychiatre préconisait pour la patiente concernée :

– Indication de psychothérapie structurée de type TCC* ( trauma et confiance en soi) ou EMDR* (trauma).

Cette indication n’a ému ni le médecin prescripteur, ni la patiente, ni moi et nous avons poursuivi avec « le libre choix de ma pratique ».

Sur la pratique et la liberté du praticien, un argument récurrent dénonce l’impossibilité dans le cadre restreint de 8 séances de mettre en place une psychothérapie compte tenu du nombre limité de séances !

Cela bien sûr remettrait donc en cause la capacité du psychologue expert de définir le nombre de séances dans le cadre d’une psychothérapie et cela n’est pas acceptable.

Ce cadre ne permettrait pas de psychothérapie à moyen ou long terme !

Mais il n’est pas (plus) question de psychothérapie.

Ce dispositif n’est manifestement pas fait pour ça , la qualification « psychothérapie »et le qualificatif « psychothérapeute » n’apparaissent plus dans la convention « Mon Psy » alors qu’ils figuraient dans les conventions de l’expérimentation ( APS, Psychothérapie de Soutien et PSS, Psychothérapie Structurée, séances prescrites avec avis d’un médecin psychiatre).

Il semble que les concepteurs de « Mon Psy » aient tiré quelques leçons du dispositif expérimental qui le précédait !

Alors qu’en faire ?

Pour le dire trop simplement, mais j’y reviendrai, il permet toutefois d’aider à mieux comprendre une situation et à poser de nouvelles questions, c’est à dire à reformuler quelque chose de peu ou pas assez, ou pas du tout élaboré.

Concrètement la plupart des situations sont des pataquès familiaux, professionnels ( et/ou scolaires pour les enfants) dont il est inutile de décrire les déroulés et les effets tant ils sont connus, intimement souvent, de nous tous.

Voilà ce que ce dispositif autorise, certainement pas plus, mais pas moins.

Parfois au terme de ces séances se pointe une demande.

Mais, c’est du reste le lot de toutes les prescriptions… on oublie toujours quelque chose… et elles ne sont pas toujours respectées !

J’y reviendrai dans le paragraphe : Nouveaux patients.

5 LE BILAN aux médecins : les comptes à rendre ?

«  Devoir passer par votre médecin traitant, qui aura toute connaissance de vos souffrances les plus intimes car le psychologue devra lui en rendre compte ».

Par ailleurs, il est essentiel de continuer de permettre aux patients de consulter un psychologue en toute liberté ET en toute confidentialité, sans avoir préalablement besoin de passer par le médecin traitant, ni voir ses propos et sa prise en charge consignés dans un rapport destiné au médecin prescripteur, tel qu’il est actuellement exigé dans les expérimentations. »

( 3 ).

« – l’arrêt de tout encadrement hiérarchique contraire au code de déontologie et aux statuts missions des psychologues. » ( 2 )

« RAPPORT », « COMPTE RENDU » sont ainsi qualifiés dans les argumentaires, les bilans ou évaluation rédigés à l’adresse du médecin prescripteur.

Bien nommer les choses …

Il ne s’agit ni de« subordination », « d’encadrement hiérarchique » de « rendre des comptes », ni de « rapporter les souffrances les plus intimes » comme ces termes surdéterminés le suggèrent, mais de bilans , synthèses ( appellation utilisée par les CPAM* sur les modèles qu’elle proposait aux praticiens conventionnés dans le dispositif expérimental).

Bref, il n’y a aucune contrainte clairement exprimée dans les indications de la CPAM* pour la rédaction de ce document à l’adresse du médecin traitant.

La convention-cadre « Mon Psy » ne parle plus de bilan mais précise dans son article 6.1

« La dernière séance de suivi donne lieu à un échange écrit entre le psychologue et le médecin… »

Pourquoi, alors mal nommer les choses ?

Que faire de cette indication de «  bilan » ?

C’est la question que je pose à mes patients « prescrits ».

Les réponses sont intéressantes, diverses et singulières et elles sont déterminées évidemment par la relation du patient avec son médecin.

Pour certains il n’est pas question de transmettre quoi que ce soit à leur médecin ou bien il ne le souhaite pas ou il ne savent pas, ou c’est gênant…

« Nous sommes convenus que Monsieur/Madame fera un point avec vous lors de la prochaine consultation médicale » est alors la formule copiée/collée sur le courrier adressé au médecin.

Pour d’autres, il leur semble important que j’en dise un peu, ou un peu plus …

Certaines situations sont tout à fait singulières et un peu inattendues.

Une patiente adressée par son médecin traitant qu’elle avait connu enfant sur les bancs de l’école communale et qui suivait toute la famille depuis des décennies me demande de « tout dire !» .

Elle souffrait de symptômes divers et variés qui se promenaient sur tout le corps et son médecin devant l’aggravation des symptômes et un épisode dépressif me l’avait adressée.

C’est donc mon adresse qu’il avait proposée à sa patiente, avec insistance et plusieurs fois me dit elle un jour : une prescription, une ordonnance… en quelque sorte !

Cette femme avait subi des abus et viols intra familiaux répétés durant une grande partie de son enfance et n’avait jamais pu en parler à son médecin.

Je l’ai fait pour elle !

Une situation similaire pour un homme, je l’ai fait pour lui !

Voilà ce que peuvent transmettre ou pas des « bilans ».

LES INDICATIONS  ET LES CONTRE-INDICATIONS

Un argument souvent avancé constate à juste titre que les contre-indications énoncées, les critères d’exclusions de ce dispositif sont très restrictifs et incohérents.

La convention-cadre précise dans son préambule « patients en souffrance psychique d’intensité légère à modérée. »

Tout comme le dispositif expérimental, le dispositif «  Mon Psy » définit des critères d’inclusion et d’exclusion qui sont identiques.

Ce dispositif concerne toujours les « souffrances psychiques d’intensité légères à modérées » et exclut les troubles graves, intenses, sévères etc. qui sont partiellement compilés dans le guide à l’intention des praticiens. (addictions, antécédents psychiatriques, TND*…)

Dans l’expérimentation (2018 à 2022) et dans un 1er temps, les médecins généralistes avaient orienté leur clientèle « psy » (notamment les chroniques qui hantaient leur cabinet) vers ce dispositif.

Nous avons vu arriver des patients dont les pathologies auraient dû les exclure de ce dispositif, malgré le questionnaire PH09 et GAD 7 qui devait préciser leur niveau anxieux et leur degré dépressif.

Ces questionnaires devaient renseigner les praticiens avec une grille d’ évaluation quantitative et ainsi vérifier si le patient évalué relevait du dispositif.

Les scores devaient être compris entre une limite inférieure et supérieure, 5 et 19 pour l’état dépressif (PH09) et 5 et 15 pour l’état anxieux (GAD 7) !

En deçà, il ne va pas assez mal, au-delà, il va trop mal.

Par exemple pour le PHQ 9 :

Q6 : Avez-vous une mauvaise opinion de vous même ou avez-vous le sentiment d’être nul ou d’avoir déçu votre famille ou vous même ?

Les réponses sont

0 : jamais

1 : plusieurs jours

2 : plus de la moitié des jours

3 : presque tous les jours

Autrement dit : un peu, beaucoup, passionnément, à la folie… pas du tout !

La pertinence et la rigueur du questionnaire rivalisait avec celles d’un magazine de divertissement populaire.

La CPAM* a ensuite mis en place un « service médical » (n° de tél à l’intention des généralistes) le 4 janvier 2019 pour valider la pertinence des orientations médicales et faire un « tri sélectif ». Tout patient devait alors recevoir un blanc-seing de la CPAM* (attestation de prise en charge) à présenter au psychologue pour prétendre bénéficier de ce dispositif expérimental.

Le tri ne devait pas être assez sélectif puisque le 1er mai 2019 une nouvelle disposition entrait en vigueur. Pour la poursuite de la « psychothérapie de soutien » (APS) en « psychothérapie structurée » (PSS) il devenait impératif pour le patient de recueillir un avis favorable d’un médecin psychiatre.

Malgré tous ces questionnaires et avis autorisés, j’ai reçu des patients, autorisés par la CPAM*, qui étaient en sortie d’hospitalisation, en traitement d’antidépresseurs, d’anxiolytiques et pour certains d’antipsychotiques… et pour d’autres qui étaient hors des seuils PH09 et GAD 7 lorsque leurs médecins avaient omis de les modifier ou qu’ils ne connaissaient pas l’existence de ces seuils.

Bref, le tri sélectif n’a pas fonctionné correctement, car il ne peut pas fonctionner correctement.

Comment quantifier une souffrance psychique légère à modérée ou sévère et intense, un risque de suicide ou de décompensation ?

Pour le nouveau dispositif, le «service médica » et l’attestation de prise en charge ont donc été supprimés .

De fait il n’y avait pas et il n’y a toujours pas d’évaluation « pré-sélective » à l’entrée d’un patient dans ce nouveau dispositif.

À ce jour, depuis la mise en place de « Mon Psy » le 4 avril 2022 je reçois toujours des patients qu’on pourrait considérer comme atteints de « souffrances sévères et intenses », parfois adressés intentionnellement par leurs médecins, parfois sans qu’ils aient pu ou su évaluer leur situation ( dépressions sévères, addictions et psychoses…), parfois pour solliciter une évaluation.

L’argument qui consiste à dénoncer la non reconnaissance des psychologues pour recevoir des patients « avec des troubles graves » (cf la liste des contre-indication) est il recevable ?

Il est manifeste que dans ce nouveau dispositif ces patients sont théoriquement exclus à supposer qu’ils aient été diagnostiqués ou repérés comme tels.

Sont ils, ces patients, de la compétence des psychologues, comme le revendique ce mouvement ?

Il faudrait être prudent dans la réponse, particulièrement si elle est catégorique (ou catégorielle).

Il est aussi évident que ce dispositif n’a pas été pensé et conçu comme un dispositif « thérapeutique », comme je l’ai précisé, les termes psychothérapie ( de soutien et structurée) ne figurent plus sur la convention-cadre ainsi que le terme de psychothérapeute .

Il est manifeste aussi que l’intention du concepteur est la réglementation d’un « accompagnement psychologique » des patients et non un « traitement psychothérapeutique ».

Le préambule de la convention-cadre précise :

« …séances d’accompagnement psychologique réalisées par des psychologues… »

L’évidente tolérance des CPAM* n’est pas fortuite, ce n’est en rien une négligence.

C’est une façon technocratique de renvoyer les médecins et les psychologues à leur pratique : c’est-à-dire, démerdez vous !

De fait ce dispositif est accessible à beaucoup de patients qu’ont qualifierait de « trop », par contre une psychothérapie n’est pas évidemment pas envisageable.

7 LA TARIFICATION ( à l’acte) des Séances

« Une base de remboursement AVEC dépassement d’honoraire autorisé semble la meilleure solution à ce jour, pour les patients qui auront un accès facilité au soin psychique, et pour les praticiens qui pourront survivre économiquement. » ( 2)

Penser que le remboursement puisse se faire hors parcours de soin, c’est-à-dire hors « prescription – adressage » est une erreur politique. La politique de santé est organisée autour de la médecine ( lobbies médicaux et labos pharmaceutiques), le médecin traitant en est l’ordonnateur ( à l’exemption de certaines spécialités médicales ou paramédicale).

On peut y trouver une cohérence pratique supposée mais surtout un contrôle économique et idéologique.

Penser que la rémunération des psychologues pourrait être de 50/60 euros c’est à dire supérieure à celle des psychiatres qui sont les acteurs principaux de la Santé Mentale est encore une erreur stratégique.

Tout comme penser que le psychologue décidera du nombre de séances, ce qui n’existe, à ma connaissance dans aucun pays.

Concernant la rémunération, il semblerait qu’elle ait été définie par des technocrates fatigués à partir du salaire moyen d’un psychologue de la fonction publique hospitalière.

On peut aussi se repérer aux rémunérations de base des praticiens médecins et paramédicaux conventionnés.

Consultation d’un généraliste : 25 euros

Consultation d’une sage-femme : 23 euros

Consultation d’un psychiatre : passée récemment (avril 2022) de 46,70 euros à 50,20 euros.

Considérer que le tarif concédé 40 euros la séance d’évaluation et 30 euros les 7 séances suivantes n’est pas acceptable, on peut même s’estimer déconsidérés, voire dé-valués, et ne pas s’engager dans une procédure qui validerait et pérenniserait ce discrédit.

Soit !

Les praticiens qui affirment ne pas pouvoir pour des raisons financières mettre en place des séances de travail avec leur patient parlent de quoi ?

De séances de 45 mn ou 1h comme le précisent certains praticiens, durée nécessaire pour leur pratique thérapeutique ?

Ce n’est pas ce que ce dispositif réglemente, ce dispositif ne réglemente pas une pratique thérapeutique pour laquelle Il faut alors privilégier une clientèle « libre et solvable ».

Vient alors la demande de dépassement d’honoraires.

Ce qui est alors revendiqué c’est la tarification à l’instar des médecins secteur 2 conventionnés avec dépassement d’honoraires.

La solution proposée est clairement destinée à régler le problème de la rémunération des praticiens en obérant les questions sociales que soulève ce mode de rémunération et notamment la question de la santé à 2 vitesses ( ou plutôt 3)

C’est une position très autocentrée.

8 L’ ORGANISATION DES SOINS

Un argument important souvent cité est que ce dispositif contribuerait à la paupérisation et la destruction des services publics et privés associatifs de soin.

« 8 – L’augmentation des postes de psychologues dans toutes les structures de service public et dans tous les secteur relevant du social, médico-social et sanitaire ». (2)

« Expérimentations de remboursement, chèque psy… on espère y voir un accès facilité pour les usagers, et une reconnaissance pour la profession. C’est sans compter que les institutions publiques, en grande souffrance, sont ignorées et laissées dans leur détresse. À défaut, l’état cherche à faciliter l’accès au soin en libéral, dans des conditions invivables pour les praticiens et leurs charges. » ( 3 )

L’argument consistant à dénoncer le démantèlement des services publics pour privilégier l’option libérale n’est pas faux, il est très partiel, pour ainsi dire consubstantiel à toutes les politiques publiques en cours depuis de nombreuses années, y compris sous les gouvernements de « gauche ».

Ce projet politique concerne tous les services publics.

L’argument est recevable avec précaution et suppose de réorganiser le soin d’une option hospitalo centré et hospitalo curative de la « maladie » vers un dispositif préventif de territoire de « santé » pluridisciplinaire, de revoir les carrières médicales et paramédicales financées sur des fonds publics ( conventionnement ), d’affecter partiellement ou ponctuellement sur des établissements ou services les praticiens conventionnés etc.

On pourrait souhaiter, idéalement, que les services de soins sanitaires et médico-sociaux soient complémentaires avec une pratique libérale, on pourrait même souhaiter comme certains le proposent pour redéfinir une politique de santé publique, que tous les praticiens conventionnés aient une obligation de participation aux institutions de soins publics ou de service public.

Qu’un médecin conventionné ( secteur 1 ou 2 ) c’est-à-dire dont les revenus sont assurés pour tout ou partie par des fonds publics ou privés mutualisés, ait à assurer un service à l’hôpital public ou une institution avec une mission de service public ne me paraît non seulement pas inconcevable, mais souhaitable.

Ce pourrait être une obligation dans le conventionnement pour tout praticien conventionné, dont les psychologues.

De redéfinir donc une politique… de santé, une assurance de santé des Caisses Primaires d’Assurance Santé…

Bref, c’est pas pour demain !

En attendant le démantèlement des services publics de soin n’a pas attendu le conventionnement des psychologues.

9 NOUVELLE PATIENTÈLE ?

Dans le cadre de ces dispositifs, depuis 2019, j’ai reçu environ 160 patients, 66 à ce jour avec le dispositif nouveau  « Mon Psy ».

Ces dispositifs ont conduit dans mon cabinet une population qui ne s’y présentait pas ou très peu, pour des raisons très différentes mais non exclusives .

Il y a d’abord ces populations qu’ont décrit comme défavorisées, précaires, fragiles et dont la caractéristique commune est la précarité financière.

C’est une population que je connais et j’y retrouve les parents, les enfants, les familles que je rencontrais régulièrement dans mes fonctions de psychologue de l’EN* en REP +( Journal d’un Psychologue de l’École de la République ) (8) ou dans les établissements sociaux ou médico sociaux que j’ai dirigés pendant 20 ans.

Il y a bien sûr une inflexion du travail ( et de la demande) que les praticiens connaissent bien avec ces populations.

Cette rupture, elle est évidemment aussi dans la pratique lorsqu’un patient nous tend sa « prescription » et nous interroge :

« Bon, maintenant qu’est-ce qu’on fait docteur ? »

Il y a des rencontres surprenantes.

« Allô, c’est pour des séances gratuites ! »

Alors il s’agit bien de pratiques adaptées à ces populations, pas de psychothérapies au long cours, de techniques probablement très pertinentes qui demanderaient plus de séances et des durées plus importantes.

Il y a aussi une patientèle « classique » qui vient parce que leur médecin a prescrit des séances, le médecin a « déclenché » une demande d’aide psychologique.

Nombreux sont les patients qui abordent dans le processus cette condition de leur demande d’aide, ce que j’ai régulièrement relaté dans mon blog (dont le 1er date du 17 octobre 2018) avec de nombreuses situations décrites et commentées. (7)

Pour certains un travail de psychothérapie se poursuit à la fin ou en cours du dispositif alors interrompu.

Pour beaucoup, il n’est pas inintéressant de fonctionner avec une limite, une limite temporelle ( limite du nombre de séances) : le travail se loge, s’oriente dans ce cadre et les effets de la « gestion » de cette temporalité sont loin d’être structurellement négatifs.

Un des effets positifs pour le patient est la (ré) assurance qu’il ne s’embarque pas dans un processus sans fin ou il resterait à la merci et sous la dépendance du psy, ce que redoutent nombre de patients.

On sait quand ça commence mais jamais quand ça finit avec les psy !

Il faut aussi travailler dans les interstices du cadre c’est à dire avec les contradictions et les failles du dispositif . Les contradictions et les failles sont nombreuses, dans la conception, la réalisation et l’évaluation de ce dispositif et permettent d’y investir une place, individuellement et j’espère collectivement.

S’il restait une ambiguïté ou un malentendu dans mes propos, je préciserais que je ne promeut pas un dispositif, je l’utilise, avec tout ce que je peux déceler de contradictions et d’opportunités, je l’utilise.

Ne rien utiliser est une position tout à fait respectable, quoiqu’elle soit à mon sens impossible, totalement imaginaire.

Ce n’est pas la position que défend le mouvement de « boycott », qui revendique que les institutions les choses et les gens devraient être comme il voudraient qu’ils soient et non comme ils sont.

C’est tout à fait possible lorsque le rapport de force permet la confrontation .

« En règle générale, toute opération militaire requiert mille quadriges rapides, mille fourgon à caisse de cuir, cent mille soldats cuirassés, et des vivres en suffisance pour nourrir une armée à mille lieues de sa base » (9)

(L’art de la guerre, Sun Tzu, édition pluriel & II les opérations p112).

(1) « Pour une instance ordinale des psychanalystes . Document proposant la création d’une instance ordinale des psychanalyste adressé à tous les psychanalystes exerçant en France » 1989, Serge Leclaire, Philippe Girard, Lucien Israel, Danièle Lévy, Jacques Sédat.

(2) La plateforme revendicative initiée par le SNP*

https://psychologues.org/wp-content/uploads/2022/09/appel-manif-29-sept-1.pdf

https://psychologues.org/wp-content/uploads/2022/09/Plateforme-revendicative_psychologues-intersyndical-et-asso_29-septembre-2022.pdf

(3) La pétition adressée au président Macron et son ministre des solidarités Véran, pétition antérieure au dispositif actuel et qui selon les informations de Change.org recueilli 12704 signatures.

https://www.change.org/p/emmanuel-macron-prot%C3%A9geons-l-acc%C3%A8s-aux-soins-psychiques?%20(%20p%C3%A9tition%20change.org

(4) Réseau Pratiques Sociales, Saul Karsz .

https://www.pratiques-sociales.org/

(5) « Sur la reproduction » Louis Althusser, Puf, 1995

(6) Direction de la Sécurité Sociale .

https://www.securite-sociale.fr/files/live/sites/SSFR/files/medias/DSS/2021/CHIFFRES%20CLES%202020%20ED2021.pdf

(7) « Navigation en eau trouble » Michel Cazeneuve

https://blogs.mediapart.fr/michel-cazeneuve/blog/230421/le-metier-de-psychologue-navigation-en-eaux-troubles

(8) « Journal d’un Psychologue de L’École de la République », Michel Cazeneuve, L’Harmattan 2018.

https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=58908&motExact=0&motcle=&mode=AND

(9) « L’art de la guerre », Sun Tzu, Édition de Référence Pluriel 2000

GLOSSAIRE :

ALD : Affection de Longue Durée

AME : Aide médicale d’État

ARS : Agence Régionale de Santé

AT : Accident du Travail

CMP : Centre Médico Social (sanitaire)

CMPP : Centre Médico Psycho Pédagogique ( associatif mission de service public)

CPAM : Caisse Primaire d’Assurance Maladie

CSS : Complémentaire Santé Solidaire ( ex CMU)

DSPP : ( Dispositif de Soins Partagés en Psychiatrie)

EMDR:Eye Mouvement Desentization et Reprocessing ( Thérapie neuro comportementale)

ESSMS : Établissement Social ou Médico Social

INSERM : Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale

ONDAM : Objectif National des Dépenses Maladie

PLFSS et LFSS : Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale

REP + : Réseau d’Éducation Prioritaire

SNP : Syndicat National des Psychologues

TCC : Thérapie Cognitivo Comportementales

TDAH : Trouble Déficitaire de l’Attention avec / sans Hyperactivité

TND : Troubles Neuro Développementaux